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Défense européenne et démocratie

Alain Joxe

Par Alain Joxe, 26 octobre 2005

Dans le débat sur « l’Europe après le non », fort peu de mention est faite de la question de la « défense » dans l’identité Européenne, autrement dit, pas d’allusion au monopole légitime de la violence armée dans l’espace européen, ou à ses marges. L’Europe n’est pas un état confédéral souverain, ce n’est pas une nation ni une démocratie sociale. Mais la question stratégique va peut-être lui imposer un vrai débat, plus vite que la dynamique économique pure.

Répression sécuritaire

En l’absence de tout ennemi extérieur traditionnel, aux frontières, c’est sous la rubrique défense qu’il faut bien ranger la question de la sécurité, c’est-à-dire non seulement les tâches répressives cruelles que s’impose déjà l’Italie, complice de la Libye ou l’Espagne renvoyant au Maroc les Africains qui se jettent dans les enclaves et dont on sait qu’ils sont réexpulsés dans les déserts du sud. Ces pratiques sont à considéréer comme un bloc stratégique et tactique incluant déjà à l’intérieur du territoire la répression des mouvements qui viendraient à manifester une hostilité à la continuité radicale de la « réforme » néolibérale.

On accepte le recours à une violence policière contre les exclus internes-externes du système, à la limite du respect des principes de la déclaration universelle des droits de l’homme.

La tentative de pénétrer clandestinement sur le territoire de l’Union est désormais puni comme un crime, de fait, par une peine de mort aléatoire sans jugement. La « réforme néolibérale » que la littérature stratégique américaine a raison d’appeler une transformation, c’est-à-dire une métamorphose, est une vraie révolution, à la fois dans l’économie développée du « Centre » et dans les économies traditionnelles de la périphérie. On doit donc bien penser à l’avance en Europe à la répression qui cherchera à l’imposer au dedans et au dehors.

Il faut évaluer si une politique de sécurité et de défense de l’Europe fondée sur la destructuration des agricultures de subsistance dans le Tiers Monde et sur la construction de fortifications puis le renvoi à une mort certaine de milliers de migrants, peut conduire pacifiquement l’Europe vers une dérégulation globale, dans la démocratie, ou si elle exigera prochainement de nos peuples une sensibilité fasciste.

Clinton critique le financement de la stratégie d’affrontement globale US

Le président Clinton a déclaré le 18 septembre, dans un discours très critique sur la stratégie du Président Bush : "Ce que les Américains doivent comprendre c’est que, chaque jour qui passe, au fil de l’année, le gouvernement américain doit se présenter sur le marché et emprunter de l’argent aux autres pays pour financer sa politique : nous n’avions jamais fait ça auparavant. Jamais dans l’histoire de notre république nous n’avons financé un conflit militaire, en empruntant de l’argent à quelqu’un d’autre (...). Nous dépendons essentiellement du Japon, de la Chine, du Royaume-Uni, de l’Arabie Saoudite et de la Corée tout simplement pour nous prêter de l’argent, au jour le jour, afin de couvrir la guerre d’Afghanistan, la guerre d’Irak, ma propre exemption d’impôts sur la fortune, et Katrina."

Je ne pense pas que tout ceci ait aucun sens. Contrairement aux États-Unis, les États d’Europe s’interdisent, la ressource traditionnelle d’une déviation des tensions sociales internes en lançant des soldats, recrutés aux marges de la société, dans une guerre coloniale ou globale.

Elle ne dispose pas d’un système qui se reproduit grâce à la « pompe à Phynance » ubuesque décrite par Clinton. La répression sécuritaire se décline alors crûment comme une variation ciblée autour des fermetures d’entreprises, du traitement violent des exclus, de l’accentuation des inégalités, d’une manipulation des peurs sociales vers le racisme anti-pauvres et anti-immigrés ; elle commence à être déviée aussi vers des expéditions inégalement onusiennes contre des troubles, en Afghanistan, en Irak ou vers les connivences avec les gouvernement policiers, dictatoriaux, et les militarismes religieux du Grand Moyen-Orient dans lequel on classera Israël-Palestine. Spécificité géopolitique de l’Europe

Jusqu’à présent, la paralysie et l’abstention s’opposent à tout débat sérieux sur le statut des frontières de l’Union, de ses glacis et de sa zone d’influence.

L’Europe ne peut pas se rallier à la grande stratégie américaine de dérégulation globale absolue, frontières militarisées avec l’Amérique Latine, expéditions punitives au Grand Moyen-Orient, connivence trouble avec l’Asie des maffias ; elle ne le peut pas au moins pour deux raisons non idéologiques à savoir son coût militaire, mais aussi parce qu’il s’agit d’une stratégie inadaptée à la définition géopolitique de l’Europe, qui a des frontières continentales avec l’Asie et l’Afrique, parfaitement incontrôlables par des moyens purement militaires et policiers.

L’Europe doit donc penser politique, et politique sociale, non seulement politique interne de bon voisinage mais politique sociale extérieure de proximité régionale et continentale permettant d’éviter la « guerre entre riches et pauvres », au dedans et au dehors, qui, comme dit Aristote, conduit à la destruction de la Cité.

Toutes les dérives sans débat vers une modernisation purement capacitaire sous influence de la « transformation » à l’américaine, peuvent accélérer la transformation de l’Europe en simple annexe du système de répression global des États-Unis. Donc, faire de l’Union la cible des réseaux terroristes salafistes paranoïdes et fascisants, et non l’en protéger.

Eviter les chocs qui finissent dans le sang

Le terme guerre contre le terrorisme est intégré et mobilisé par le vocabulaire néolibéral et il est accepté mollement par l’Europe qui n’a pas vraiment intérêt à suivre les États-Unis dans toutes leurs expéditions catastrophes. Dans la phase offensive où se trouvent, les grandes entreprises de la modernité globale, on cherche encore à demeurer démocratiques.

Mais, si le rapport des forces s’inversait, sous la pression des peuples lassés des désastres sociaux le néolibéralisme transfrontalier pourrait chercher à contrebalancer sa perte de légitimité par la force,

C’est sans doute ce que cherche à écarter le gouvernement de Villepin en dénonçant, dans les stratégies de réformes « de choc » le risque de les voir se terminer « dans le sang ».

Un débat stratégique sérieux ne doit pas agiter sur le devant de la scène les seuls arguments sécuritaires policiers, mais resituer la stratégie de défense de l’Europe avec sa différence.

En Europe, la France et l’Allemagne ont probablement à elles seules la capacité de poser ce problème comme défense de la démocratie.

Alain Joxe


 


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