23 juin 2007
Ce travail collectif soulève la question de savoir si le lancement du programme OTAN ALTBMD de défense antimissile de théâtre et l’orchestration par les Etats-Unis d’une course aux armements entre fusées balistiques et défense anti-missile pourrait proposer à l’Union Européenne une « ligne Maginot » qui rendrait obsolète le bouclier stratégique de la force de dissuasion nucléaire française. Perspective à retenir pour qui pense que le budget de la défense pourrait être choisi comme une « variable d’ajustement » des finances publiques.
1. Citoyen sécurité et défense
En se demandant si le terrorisme est la seule forme d’agression possible, le rapport critique les cas où des opinions publiques peuvent imposer des réactions militaires brutales comme l’attaque contre l’Afghanistan et l’Iraq, considérées comme une « dérive » américaine. Il recommande d’étudier à froid les diverses formes du terrorisme et d’admettre que l’action terroriste peut bien n’être que « l’outil le plus rentable de recherche du statut d’interlocuteur (cas OLP, ETA, IRA, FLNC), la dissuasion devant inhiber des « Etats Parrains », et le traitement politique des causes comme des tâches tout aussi importantes que de terroriser les terroristes.
2. Evolutions stratégiques, menaces, dissuasion
Dans les vingt prochaines années les Etats-Unis resteront, pense-t-on, les « gendarmes du Monde », il y aura multiplication de conflits locaux ou de blocus globaux par tension sur les matières premières et l’énergie, du fait de la montée de la Chine et de l’Inde. Poursuite aussi du terrorisme et de la prolifération d’armes ABC. D’où le maintien nécessaire en état de la Force nucléaire Française. Le rapport se situe dans l’axe du discours de l’Ile Longue du Président Chirac (cité intégralement en annexe) et remet en débat l’idée que « la dissuasion fonctionne sans bruit » et que « l’arme nucléaire rend sage » ses propriétaires. Elle admet « la tendance bien explicable à vouloir remplacer « l’épée virtuelle » par un « bouclier réel » à savoir la poussée de la DAMB, qui va être attaquée dans la section 3.
3. Missiles et anti-missiles
Cette section critique l’offensive américaine en faveur de la DAMB par propositions de coopération et activisme
OTAN ; elle rappelle que l’idée de bouclier antimissile est issue de l’imagerie de la guerre des Etoiles sous Reagan (luttant contre « l’immoralité » de la MAD (Mutual Assured Destruction) car prenant les civils en otages ; qu’elle est d’un « coût astronomique » ; Elle vise trois objectifs : 1.dissuader les petites frappes (avec un taux d’interception de 90 %) ; 2. Entraîner les grosses frappes (Russie, Chine) dans une nouvelle course aux armements ruineuse (donc une stratégie Reagan bis) ; 3. Développer le leadership technologique US grâce au financement R&D. Mais le bouclier n’est « réel » que si l’ennemi le croit ; on peut le tourner en variant les types de plates formes. 10% de non-interception reste inacceptable. En faisant la distinction entre la défense du territoire national (objectif de la dissuasion française ) et la défense de théâtre d’opération extérieur (propos constant de la stratégie américaine) on perçoit que c’est ce dernier concept qui permet aux Etats-Unis de décrire Israël, le Japon, l’OTAN comme des dispositifs de NMD locale. Mais la seule menace que pourrait contrôler les DAMB serait celle d’un déploiement d’IRBM nucléaires (missiles inférieurs à 5000 km de portée) entre les mains de pouvoirs locaux (Corée du Nord, Inde, Iran, Israël, Pakistan). Encore faudrait-il développer un ensemble de radars (d’alerte et de trajectographie), de satellites d’observation, de missiles d’interception plus un système de « Command and Control). Dépense considérable pour une interception limitée aux missiles peu sophistiqués.
4. Le cas de l’Europe
Reprenant tout le processus historique de la transformation, entre 1991 et 1999, de l’énoncé OTAN d’une dissuasion américaine au bénéfice de l’Europe, cette section décrit la situation actuelle : l’OTAN a lancé une étude sur la faisabilité d’une défense anti-missiles couvrant l’Europe dont les conclusions ont été approuvées au sommet de Prague (mai 2006) mais étude qu’on a décidé de prolonger au sommet OTAN de Riga (novembre 2006). On note qu’au stade actuel de la PESD la solidarité des états de l’UE fait que les dissuasions française et britannique constituent un élément incontournable de la dissuasion, même s’il n’existe pas de « mutualisation des dissuasifs nationaux ». Suit l’énoncé d’une série d’étapes nécessaires à l’articulation OTAN-UE en matière de défense, processus qui prendra un certain temps. Selon le rapport « de même que le premier objectif des Etats
Unis... n’est crédible que grâce à leur FNS dont la MD est un complément, une DAMB sans capacité de dissuasion ne serait pour l’Europe qu’une feuille de vigne complétant sa dépendance à l’égard des Etats -Unis » (nous soulignons). La condamnation la plus catégorique suit : « En réalité, l’implantation sur le territoire d’élément de la MD transformerait les pays d’accueil ainsi que leur environnement européen en cible du pays adversaire des Etats-Unis mais aussi de la Russie »
5. Le cas de la France
Cette section défend de manière assez traditionnelle la validité de la stratégie nucléaire de dissuasion du faible au fort instrument anti-hégémonique par excellence, en reprenant l’idée que la transformation de la doctrine OTAN dans le sens du bouclier antimissile peut paraître anti russe et contraire à la détente. Mais l’argumentaire principal est fondé sur l’hypothèse qu’une acceptation du bouclier procéderait du fait que pour raison économique, on viserait à un désarmement budgétaire ; le document se risque à prévoir qu’on va, vouloir réduire le budget de la défense en commençant par là et corriger le tir en annonçant qu’une DAMB compensera cette perte ; « découvrir » que la DAMB sera plus coûteuse que la FNS et l’abandonner à son tour ».
Conclusions
Les recommandations concrètes de la section 6 vont dans le sens d’une sauvegarde de la dissuasion nucléaire autonome, dans toutes ses composantes y compris la force aérienne stratégique. Elle s’appuie sur une critique des coûts et des performances du projet américain D’où l’inutilité d’une veille technologique axée sur la DAMB stratégique. Par contre à l’utilité d’une veille en matière de satellites de surveillance des essais (missiles de longue portée), voire (avec coopération européenne) élargir la défense aérienne à la protection antimissile des forces projetées (défense de théâtre). (Cette protection antimissile de projections de force européenne devant sans doute être distinguée dans l’avenir des coalitions de type OTAN.)