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Note de lecture


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L’OTAN à la conquête du Monde ?

Alain Joxe

Par Alain Joxe, 20 avril 2007

Dans l’espace dit « euro-atlantique » un désordre s’est instauré dans l’ordre des facteurs : le culte des capacités opératives passant en tête de l’évaluation des menaces, pour la définition des options stratégiques majeures, depuis la disparition du pacte de Varsovie, l’OTAN se propose imperturbable comme une alliance militaire, sans buts stratégiques définis, mais avec une capacité de projection de forces - et de quadrillage du possible - techniquement avancée. Avec l’adhésion par tranches successives de nouveaux pays (naguère membres du Pacte de Varsovie) l’Organisation joue le rôle d’un outil de l’extension de l’hégémonie militaire américaine sur une zone géographique de plus en plus étendue, créant des normes communes, sans que cette extension fasse l’objet d’un consensus stratégique clair, ni ce normage l’objet d’un consensus politique explicite. L’OTAN est devenue une société de services apte à monter des coalitions ad hoc sous l’impulsion des Etats Unis. Maîtres du système, les Etats Unis ont donc tendance à s’en servir comme instrument de labellisation connotant une conquête territoriale, pacifique et sans limites, et uns source de main d’oeuvre militaire croissante, de même forme qu’un marché transnational n expansion.

Malgré sa définition toujours « atlantique », la projection de l’OTAN en Afghanistan a eu lieu sans débat, dans l’émotion de l’attentat des deux tours. Mais aujourd’hui l’extension de l’OTAN à deux nouveaux membres, Pologne et Tchéquie s’accompagne d’un déploiement américain d’éléments d’un « bouclier antinucléaire » d’interception. L’effet de ce dispositif, sautant par-dessus la Biélorussie et l’Ukraine, viendrait théoriquement « mettre en forme » le voisinage oriental de la Fédération russe, par « dissuasion préemptive » du danger virtuel d’une arme nucléaire iranienne encore inexistante. Cette poussée risque d’ébranler la paix des marges de l’Europe, déjà ravagée en permanence au Moyen Orient.

Le contrôle stratégique de l’unilatéralisme US

Washington essaye ainsi de tripoter de manière unilatérale les voisinages orientaux de la Russie, qui sont déjà ébranlés dans le Caucase, où les stratégies de Gasprom perdent du terrain. Pourtant, deux systèmes d’interaction, l’un avec l’Union Européenne et l’autre avec la Russie, avaient été bricolés par des pactes très spécifiques, qui auraient pu rendre moins autistique la pulsion OTANique des Etats Unis vers la conquête de l’Eurasie profonde.

1. L’interaction de l’OTAN avec l’Union Européenne. Rappel : L’Union Européenne admet par traité l’existence d’un processus devant mener d’une Politique de Défense et de Sécurité Commune à une Défense Commune, qui reposerait sur des principes particuliers à l’Union Européenne, qui ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux des Etats-Unis. L’Union Européenne met donc sur pied, ou plutôt sur papier, une force de projection de 60.000 hommes. l’Eurocorps. Créé en principe en 1992, l’Eurocorps a participé aux missions d’interposition en ex Yougoslavie (SFOR KFOR) il comprend des unités belges, françaises, allemandes, luxembourgeoises et espagnoles. Mais l’Etat Major, à Strasbourg, comprend aussi des militaires autrichiens, canadiens, grecs, italiens, polonais et turcs, c’est à dire de pays membres de l’OTAN. En effet, les unités regroupées dans Eurocorps sont en fait entraînées essentiellement par leur inclusion dans la NATO Reaction Force. La Création de cette Force de Réaction de l’OTAN fut décidée au sommet de Prague en 2002. C’est une unité multinationale rapidement déployable, composée d’éléments terrestres, aériens, maritimes et d’un élément de forces spéciales. elle est constituée à partir des contributions d’unités de différents pays, qui y participent par roulement et permet à l’OTAN de disposer de forces, capables d’être rassemblées et projetées dans des délais de 5 à 30 jours La confrontation des critères européens et des critères américains évolue autour de ces deux agrégats d’unités militaires et de ces deux systèmes de commandements, éventuellement disjoints. On peut dire qu’actuellement ce sont les critères OTAN qui s’imposent, ce qui ne va pas dans le sens d’une autonomisation de l’Europe.

2. L’interaction de l’OTAN avec la Russie a été institutionnalisée par la signature en 1997 de l’Acte Fondateur OTAN Russie, un traité au nom étrange, qui est supposé faire de la Russie un partenaire stratégique de l’Alliance Atlantique et, en tout cas, établir des relations de coordination et de bonne foi entre les anciens ennemis. La même année, l’OTAN signait à Madrid une charte de partenariat spécifique OTAN-Ukraine qui innovait en mentionnant, comme fait politique fondateur, une définition économique de l’Ukraine : que l’Ukraine se soit pleinement ralliée à l’économie de Marché . La Russie entrait, avec son Acte, dans une relation de connivence militaire, mais la « mise en œuvre de réformes économiques radicales, visant à approfondir le processus d’intégration avec l’ensemble des structures européennes et euro-atlantiques » permettait en 1997, d’admettre l’Ukraine dans une relation de connivence économique avec l’OTAN. L’organisation prend ainsi peu à peu depuis 10 ans le rôle d’une institution de cooptation militaire dans le « camp de l’économie néolibérale », ce qui modifie le sens de l’alliance atlantique tel qu’il est défini par la Charte Atlantique : alliance militaire des démocraties. Un certain nombre d’autres accords de caractère économique ou politique civil, ont été signés avec des pays ex communistes au nom du Partnership for Peace et pour les intégrer explicitement dans l’ensemble dit « euroatlantique » qui se projette ainsi jusqu’en Azerbaïdjan et en Georgie.

Y a-t-il violation de l’Acte fondateur OTAN-Russie ?

En favorisant en 2007, le déploiement en Tchéquie et en Pologne d’un dispositif pour d’interception de salves nucléaires en provenance de l’est., c’est certainement l’esprit de l’Acte fondateur OTAN-Russie que les Etats Unis se permettent de violer, mais également la lettre, comme on peut voir en relisant ces textes. Sur la « violation de l’esprit , l’Acte, en effet, prévoit une concertation, une consultation et même une connivence militaire et stratégique constante entre les deux parties : L’OTAN et la Russie, afin de développer la coopération entre leurs institutions militaires, renforceront les consultations et la coopération politico-militaires, dans le cadre du Conseil conjoint permanent,.. Ce dialogue intensifié entre militaires reposera sur le principe selon lequel aucune partie ne considère l’autre comme une ...il comprendra des exposés réciproques, à intervalles réguliers, sur la doctrine militaire et la stratégie de l’OTAN et de la Russie et sur le dispositif de forces qui en résulte.

Sur la « violation de la lettre », l‘Acte contient des engagements précis sur le non déploiement de nouveaux dispositifs correspondant à des moyens en matière de stratégie nucléaire sur le territoire de nouveaux membres de l’OTAN : Les Etats membres de l’OTAN réitèrent qu’ils n’ont aucune intention, aucun projet et aucune raison de déployer des armes nucléaires sur le territoire de nouveaux membres, et n’ont aucunement besoin de modifier un quelconque aspect du dispositif ou de la politique nucléaire de l’OTAN - et n’en prévoient nullement le besoin pour l’avenir.

L’accord insiste sur la coopération dans les trois domaines suivants ; • Prévention de la prolifération des armes nucléaires, biologiques et chimiques • Possibilités de coopération en matière de défense contre les missiles de théâtre » • Echanges réciproques, en tant que de besoin, sur les questions relatives aux armes nucléaires, y compris les doctrines et la stratégie de l’OTAN et celles de la Russie.

C’est à ce titre que Moscou, se considérant comme partie prenante des actions diplomatiques et des sanctions contre l’Iran, peut estimer que les déploiements américains prévus en Pologne et Tchéquie, peuvent être considérés comme visant à neutraliser le dispositif dissuasif russe, et auraient dû n’être décidés que d’un commun accord.

Conflit de critères stratégiques

En violant l’esprit et la lettre de l’Acte fondateur OTAN Russie, les Etats Unis ont sans doute l’impression qu’ils sont dans leur droit, le droit du plus fort qui s’impose aisément, en droit coutumier, en cas de silence du plus faible. Le problème de principe soulevé par cette pratique ne concerne pas seulement la Russie de Poutine et l’Iran, mais le principe même de la cohérence des engagements nouveaux de l’Alliance atlantique d’après guerre froide. L’Acte fondateur n’est pas un traité diplomatique entre les Etats Unis et la Russie mais un traité stratégique entre tous les états membres de l’OTAN et la Russie. Signé non par « sympathie » pour le régime russe, (ni pour sa politique Tchétchène, ni même pour rendre hommage à son ralliement à l’économie de marché), mais par souci de donner des règles stables au maintien de la paix dans l’immense espace de l’Atlantique à Vladivostok et certainement de l’Atlantique à l’Oural ; pour autant, l’espace euro-atlantique n’inclue pas l’au-delà, en particulier le Caucase et la Caspienne, sauf dans le vocabulaire sympathique de la cooptation dans le PfP. L’accord avec la Russie, du point de vue européen est plutôt un accord de « bon voisinage » de longue durée ce qui signifie à tort ou à raison, qu’on fait confiance aux Russes pour traiter les problèmes de sécurité au-delà de leurs frontières orientales, en connivence avec l’espace euro-atlantique. L’attitude européenne modérée à l’égard de l’Iran, est bien plus proche de l’attitude russe que de l’ américaine, D’où le sursaut russe.

L’Amérique de Bush se donne hardiment à maîtriser, hors voisinage, donc jusqu’en Asie centrale, par tous les modes de projection les Etats du monde entier, pour y contraindre par préemption les « comportements déviants possibles » L’affaire est donc porteuse en soi d’un élément de la divergence de critères stratégiques entre l’Union Européenne et les Etats Unis. Le « nouvel atlantisme » produit des tensions qu’on s’efforcera peut être de masquer poliment. Comme l’écrit un député allemand : « Objectivement, les points qui nous opposent n’augmentent pas. C’est la perception de ces conflits qui devient en revanche plus aiguë et plus douloureuse en raison du resserrement croissant des liens transatlantiques »

A suivre.

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